La Quarantaine – Behind the Mask [VA001]

29/10/2019

Article initialement publié pour La Stud

Tout habitué de la scène électronique parisienne connaît les soirées de La Quarantaine. Créé en 2016, ce collectif a contribué à l'essor des soirées en warehouse, largement popularisées depuis : des soirées extramuros dans des hangars désaffectés, loin des clubs, dans une semi-légalité sensée renouveler l'esprit « rave » des années 90.

L'album est disponible ici. 


Le 14 octobre, ce même collectif sortait exclusivement en format numérique un premier Various Artists, Behind the Mask, qui compile des morceaux des artistes résidents de leur roster, 40N Agency. Un joli condensé de ce que La Quarantaine sait défendre, entre acid, techno et trance.

La première track de l'album, 9000 miroirs, nous est offerte par Brulée, également connu sous son pseudo Clair. Avec d'autres producteurs comme Trym, Brulée est une des voix françaises de la scène acid et hard trance actuelle. Il a fondé en 2017 avec son ami Deevai son propre label, Carcères Records, autour d'un univers plutôt dystopique aux BPM envolés. Ce premier morceau nous plonge d'emblée dans une ambiance plutôt douce, et ce malgré sa vitesse et son kick appuyé. Parsemées de petits instants breakés, les dix minutes s'écoulent sans qu'on s'en rende compte, tant l'équilibre entre la force du kick et la mélodie aux influences trance est harmonieux.

Un autre formidable morceau de l'album est No time for romance, de la jeune productrice et DJ EKLPX. Seule présence féminine sur l'ensemble de la compilation, elle a également collaboré avec Carcères Records. Elle nous propose cette fois-ci un morceau bien pêchu. L'alliance entre un BPM véloce et la discrète ligne acid qui vient doucement s'imposer au fil du morceau fonctionne particulièrement bien. Et lorsque l'on pensait se retrouver sur un morceau d'acid techno plutôt conventionnel, EKLPX laisse s'immiscer une mélodie qui nous ramène à ses influences trance. Sur la fin du morceau, elle laisse ces deux influences se chamailler, l'une passant successivement par-dessus l'autre, consacrant le syncrétisme entre influences trance et acid.

Fidèles à l'identité de La Quarantaine, on peut compter trois autres morceaux acid sur la compilation. Ilivor, un des résidents du collectif spécialisé dans le live et influencé par ses 5 ans de vie au Japon, signe Acid for the nations. On regrettera la linéarité de sa track, malgré la richesse de la mélodie acid déployée et le kick rebondissant qu'il arrive à retranscrire. L'auditeur est comme retenu en arrière, alors qu'il croit que le morceau va démarrer, générant beaucoup d'insatisfaction. Rien d'étonnant à ce que ce soit le morceau le plus court de l'album (4 minutes à peine).

Plus abouti, Origines of pleasure de KMO parvient à installer par sa longue introduction une ambiance mécanique industrielle, sur laquelle vient se poser lentement une ligne acid aux tonalités presque angoissantes. Pourtant, et c'est ce qui donne tout son charme au morceau, c'est bien la mélodie qui vient s'associer à l'ambiance déjà galopante qui permet de tempérer le morceau, et qui en fait un des plus réussis de l'album.

LLY, jeune DJ et producteur parisien plus proche des sonorités techno, délivre quant à lui un morceau à son image. Chasing the Android est beaucoup moins entraînant que le reste des morceaux présents sur l'album. Il laisse plutôt s'installer une ambiance mentale et linéaire, qui laisse poussivement le pas à une ligne acid plutôt grave, soutenue par un coup de charleston qui vient rompre la monotonie par intervalles, mais qui redescend malgré tout assez vite. Un morceau un peu plus éloigné de l'ambiance générale de l'album, mais qui prend tout de même assez bien.

Également distinct de l'ambiance rave, D44 donne avec African Farafi une touche chantée à la compilation, avec un morceau qui vient associer techno et chant africain pour nous plonger dans une rêverie apaisante.

Bien plus loin, HIPPØ s'affirme comme l'ovni de la compilation. Avec Circus, l'étoile montante de la scène électronique parisienne signe un morceau en décalage avec le reste de l'album. Pour mieux comprendre cette track, il faut connaître la trajectoire musicale de ce résident des collectifs La Quarantaine et Obsidienne, qui s'éloigne régulièrement des influences rave classiques pour mettre l'électro à l'honneur. Et Circus s'impose effectivement comme une track électro lente et sombre. Sûrement pas sa meilleure, puisqu'il a pu produire des morceaux électro avec plus d'impact (allez écouter Mustang, par exemple). Mais au-delà de la qualité du morceau, c'est bien sa place au sein de l'album qui peut paraître gênante. Sans doute un parti-pris assumé par La Quarantaine, qui ne veut pas exclure un de ses résidents du projet, au détriment de la cohérence musicale de la compilation.

Pour finir, il faut chanter les louanges de Sana + Nasa, qui avec Landing at blue moon station clôturent en beauté la compilation. Le duo signe un des meilleurs morceaux de l'album, au kick puissant et aux sonorités riches. L'association d'une ambiance moins onirique mais plus violente avec une mélodie une sonore aux pures influences 90's permet d'achever de la meilleure façon le projet de La Quarantaine.

Pour ses trois ans, La Quarantaine réussit donc le pari de réunir ses résidents pour un VA ambitieux. L'éclectisme est au rendez-vous : rien d'inhabituel pour un collectif qui a su s'associer avec des collectifs aux influences différentes (le très bon collectif de psytrance Nataraja, par exemple). Malgré quelques incohérences stylistiques, il en résulte une belle syntonie dont on tire quelques pépites. De quoi nous mettre l'eau à la bouche en attendant leur prochaine soirée...

© César Casino Capian



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